C’est encore une histoire de pognon.
Mon collègue Jean Philippe Dugoin a posté une note à propos de la décision récente, le 2 juin, prise par le STIF et la région d’augmenter les (ou plutôt « des ») tarifs des transports publics dans la région. Et cette note a aussitôt provoqué une réaction de la part de Jean Paul Reynaud, sur un mode polémique.
Alors, revenons aux faits. La décision prise au STIF le 2 juin concerne TOUS les tarifs en région IdF, et pas seulement le RER. Il y a augmentation générale, SAUF pour les forfaits NAVIGO sur les zones 1-5 et 1-6. La note d’information du STIF, exhaustive et purement informative, est ici.
Pour ma part, je reste surpris par cette distinction entre les parcours 1-5 et 1-6 d’une part, et les autres d’autre part. Il y a une étude en ce moment sur le territoire de la CCVE pour mettre au point une refonte des lignes de bus de notre territoire, et ces parcours jusqu’à Paris ne sont pas majoritaires dans les résultats de l’enquête faite auprès d’un échantillon de familles.
Il y a des grands bassins d’emploi plus proches que Paris pour notre territoire: Evry-Corbeil, Saclay, et surtout Orly-Rungis – 3ème bassin d’emploi de la région après Roissy CDG et La Défense. C’est un peu cette réalité qui transpire dans les résultats de cette enquête. Et l’augmentation décidée le 2 juin y est « plein pôt ». Le découpage des zones reste inique. Orly-Rungis est pour sa plus grande part en zone 3, de quelques mètres. La bonne décision serait d’exprimer la volonté que les transports de la région constituent un seul réseau, organisé et financé comme un tout, et donc accessible de la même façon et au même tarif pour tous les contribuables de la région. La tarification par zones est l’héritage d’une tradition ancienne de facturation au kilomètre, qui ne correspond ni à l’expression du service rendu au client, ni à un mécanisme de financement, dans notre époque.
Car enfin, si le prix de la carte Navigo devait être réellement lié au coût des voies empruntées par le trajet du client, c’est dans la zone 1 que la carte Navigo devrait être la plus chère, puisque c’est dans la zone 1 que le kilomètre de voie est le plus cher à construire.
Inversement, le prix d’une « zone 6 » où les transports sont assurés en grande partie par un réseau de bus dérisoire en comparaison de celui de la zone 1, devrait être le moin élevé.
Adopter l’idée que nous avons un réseau, accessible de la même façon par tous les franciliens, c’est aussi adopter l’idée que la gouvernance du système de transports dela région représente de la même façon toute la région, sans privilégier comme maintenant Paris et la petite couronne. Et nous aurons alors, naturellement, un système de transport qui créera une offre plus conforme à la demande, avec des liens banlieue-banlieue, et peut-être même, un réseau maillé qui propose plusieurs alternatives pour relier 2 points du territoire, comme le métro dans Paris intra-muros.
Pour revenir à l’origine de cette note, le pognon, il est aussi dommage que le STIF et la région méprisent la valeur du temps des franciliens. Le schéma directeur du RER D, publié l’année dernière a un volet financier, comme pour tous les projets d’infrastructures de transport public (c’est la loi LOTI). Il y évalue la rentabilité soscio-économique du projet, selon des raisonnements strictement financiers. Dans ce raisonnement, il y a la valeur du temps des franciliens, puisque l’investissement dans le RER D doit servir à y perdre moins de temps, il faut mettre sur une balance le prix du temps perdu d’un côté, et l’argent à dépenser pour ne pas le perdre. Eh bien nos élus régionaux évaluent le prix de notre temps à 13€/heure. C’est moins, beaucoup moins que le prix du temps d’un client de TGV, et c’est vraiment beaucoup moins que le PIB horaire du pays, près de 40€/heure. Dommage, car si le projet n’est pas rentable, on le fait pas.
La région et le STIF exigent aussi des rentabilités financières trop élevées. Les projets de modernisation du RER D sont évalués avec un taux d’actualisation de 8%, comme si les financeurs allaient emprunter à 8% pour financer ces projets, s’ils se réalisent. Ce choix pénalise outrageusement l’évaluation socio-économique du projet de modernisation du RER D.
Pour résumer, la région et le STIF pensent que le RER D est une ligne qui transporte des gens pas ou peu productifs, et que l’argent pour le faire fonctionner est 2 fois plus cher à emprunter que pour le financement de l’Etat. Le projet de modernisation du RER D devient alors modeste, trop modeste. Il est rapidement décrit ici. Notez bien qu’il s’agit de la région qui s’exprime, pas l’Etat, contrairement à ce que Jean-Paul Reynaud explique dans sa note.
Ah oui, la réponse à la question posée en titre:
Le 1er juillet 2010, le Navigo 1 mois zones 1-6 reste à 123,60€, un prix inchangé par rapport au 30 juin 2010.
Un Navigo « de parisien », là où le kilomètre de voie coûte, au bas mot, 300 millions d’euros, sera à 60,40€. je vous laisse découvrir vous-mêmes d’où viennent les élus de la région qui siègent au conseil d’administration du STIF. La solidarité invoquée par le président du STIF et de la région, Mr Huchon est bien vaine. les tarifs sont décidés par une assemblée ou les zones 1-2 sont surreprésentées.
Quant à soutenir que c’est l’Etat qui ne paye pas parce qu’il n’augmente pas la taxe sur les salaires (0,1% demandé par la région) c’est hallucinant! L’argent payé par les entreprises pour la « taxe VT », ce n’est pas l’argent de l’Etat. Et se servir de ce motif pour attaquer les politiques qui dirigent l’Etat, c’est bien mal exécuter son mandat d’élu régional. La bonne idée serait d’exiger, puisque ce sont les entreprises de la région qui payent, que ce ne soit pas l’Etat qui décide du montant de ce prélèvement, mais les élus de la région!. Et que la taxe VT soit affectée à la région pour être redistribuée en fonction des réseaux à financer.
Nous aurions alors un système de transport dirigé avec un bon équilibre dans sa gouvernance, entre Paris et la banlieue, et des politiciens responsabilisés qui ne pourraient pas s’abriter derrière l’éternel refrain « c’est pas moi c’est l’autre » quand ca ne marche pas, mais qui se pressent aux inaugurations sans inviter ceux qui payent, c’est à dire nous. Ils choisissent combien de taxes ils appliquent, ils expliquent pourquoi, et en fin de mandat l’électeur-contribuable juge si cela valait la peine.
Bon, une note d’optimisme pour terminer: Mr Huchon, grand ordonnateur des transports franciliens, ne connaissait pas le prix d’un carnet de tickets pendant la campagne des régionales. Maintenant il le connaît, car c’est lui qui décide de faire payer 2 fois moins les parisiens que les banlieusards, et il le signe, là.








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