ADSL: du yakafocon au rationnel

Accrochez vous, j’ai été très prolixe jusqu’à maintenant, mais aujourd’hui, je change d’échelle…. 

Depuis le début de la campagne des élections municipales, donc depuis 3 années maintenant, l’équipe aujourd’hui à la mairie est très régulièrement interpellée à propos de la qualité insuffisante des connexions à Internet dans les Levitt. Le message est bien reçu, bien compris, et je voudrais ici porter à votre connaissance l’état de ce dossier.

Ce dossier fait partie des enjeux importants pour le mandat. Cela a été en effet une découverte importante faite par le candidat Dugoin dès le début de sa campagne: il y a beaucoup, vraiment beaucoup, de gens qui travaillent à la maison, et qui, pour travailler, ont vraiment besoin d’un débit « honorable ». Il est trop souvent associé aux demandes de montée en débit des affaires de téléchargement plus ou moins légaux et toujours très massifs. Mais la découverte, c’est que le vrai besoin, c’est de travailler à la maison, autant parce qu’on est travailleur indépendant que parce que. Et c’est la grande découverte, parce que le travail à la maison fait de plus en plus souvent partie de la vie ordinaire.

Il s’agit par exemple de

  • quelqu’un qui travaille avec des collègues, des partenaires ou des clients éloignés de plusieurs fuseaux horaires (ca, j’ai largement donné personnellement en travaillant pour une société québecoise, -6h, avec des clients jusqu’à Singapour, +6h),
  • quelqu’un qui est d’astreinte et surveille à distance un processus industriel avec une application « métier » exigeant un débit « raisonnable » de quelques Mbits/s
  • un étudiant dans une université de Paris dont TOUS les cours sont sur podcast (c’est une fierté de la région).

Et il y a aussi les besoins en loisirs légitimes, par exemple la TV sur ADSL dans un lotissement où une parabole déchaine les passions.

Bref, la demande pour de la montée en débit est importante, et elle est justifiée.

Historiquement, les Levitt ont été construites avec, pour chaque maison, une ligne de téléphone. C’était un privilège en 1972. Dans la région, quand on avait le téléphone, c’était rare et presque toujours partagé avec plusieurs autres maisons. Mais pas dans les Levitt.
A l’époque, Mennecy avait 3500 habitants, pas beaucoup de téléphones, une poste dans la rue de la poste (pas celle d’aujourd’hui, l’autre) avec un répartiteur incapable de recevoir soudainement 1680 nouvelles lignes. Donc, pour répondre à la pression du promoteur, les PTT de l’époque ont construit une nouvelle infrastructure et, pour rechercher quelques synergies, l’ont construite pour en faire bénéficier un périmètre aussi large que possible. Le nouveau répartiteur a été construit près de l’aqueduc, juste avant Chevannes. Cela permettait d’équiper les Levitt ET Chevannes avec un seul investissement. Génial pour la voix, à l’époque, mais inadapté à la technologie ADSL déployée 30 années plus tard.

Entretemps, une nouvelle Poste a été construite à Mennecy, le nouveau noeud de raccordement a été placé à côté de la crèche Jean Bernard et toutes les lignes de téléphone de la ville sont raccordées à un noeud situé au centre géographique de la ville. Génial pour la voix ET pour l’ADSL.

Mais les Levitt sont et resteront raccordées à Chevannes. L’anomalie de l’ADSL à petit débit doit être corrigée autrement. Autrement, c’est à dire que la « boucle locale« , les fils entre Chevannes et chaque maison Levitt, doit être améliorée pour, sans changer le chemin suivi par les fils, offrir plus de débit.

La boucle locale appartient à France Telecom. C’est une longue histoire qu’il est inutile de raconter ici. Pour l’améliorer, il faut que France Telecom soit convaincue d’y faire un investissement, investissement qui serait ensuite, c’est une obligation imposée au monopole de France Telecom, mis à disposition d’autres opérateurs au prix d’un loyer identique pour toutes les lignes, quelque soit leur longueur et le prix pour les construire. France Telecom est évidement assez difficile à convaincre…

Cette régle a été dictée par le législateur (en clair, nos députés) et elle est appliquée par le régulateur, une institution de l’Etat qui s’appelle l’ARCEP. Quand ces règles ont été pensées, il n’y avait pas de haut débit en France. Elles ont été utiles pour déployer l’ADSL pour 99% de la population (attention, pas 99% de la surface du territoire). Une des ces règles impose un débit minimal de 512 kbits/s. Ce plancher parait aujourd’hui dérisoire. Il a été défini à une époque où les meilleurs modems grand public fonctionnaient à 28.800 bits/s et les lignes Numeris, à 64.000 bits/s, étaient du luxe. 512 kbits/s constituait à l’époque un objectif très ambitieux, surtout s’il s’agissait de couvrir 99% de la population. (Séquence souvenir: nous avions tous des Minitel qui fonctionnaient à …… 1200 bits/s)

Mais nous avons changé d’époque, nous avons changé de siècle. Nos modes de vie ont évolué, nos attentes et nos besoins aussi. Par contre nous avons toujours France Telecom, l’Arcep, l’ADSL et 512 kbits/s.

Techniquement, pour les Levitt, c’est assez simple. Il y a 3 sous répartiteurs qui distribuent les lignes venant de Chevannes sur les 1680 maisons. Le plus critique, qui dessert 900 maisons, est au carrefour Verville/Garde. Un autre se trouve à l’angle Verville/route de Chevannes, et le moins critique se trouve à l’angle Neufville/route de Chevannes. Il y a au moins un fourreau vide qui arrive sur chacun d’eux, depuis Chevannes. Une des solutions consisterait (attention, c’est ici un discours de type « yakafocon ») à passer une fibre optique jusqu’à chacun d’eux depuis Chevannes, à construire une armoire supplémentaire à côté de chacun d’eux, et d’y installer les équipements ADSL qui se trouvent aujourd’hui à Chevannes, les DSLAM.

C’est une intervention sur la boucle locale (c’est une expression à retenir pour la suite de la note). Elle est évaluée aujourd’hui, malgré la quasi absence de génie civil, à 450.000€ HT. Réglementairement, l’accès à la boucle locale ne peut se faire qu’avec l’adhésion de France Telecom et, une fois réalisée, sera utilisable par les concurrents de France Telecom aux mêmes conditions que les lignes suffisamment courtes, dans le reste de Mennecy, pour ne pas imposer cet investissement. Retenez aussi l’investissement par maison: 450.000/1680 = 268 €HT. Comme cet investissement n’est pas imposé aux concurrents de France Telecom, il est même interdit à cause du monopole sur la boucle locale, il y a distorsion de la concurrence.

Le régulateur, l’ARCEP, n’est pas resté inactif devant cette situation et a lancé tout un travail pour préparer un changement des règles du jeu, tant pour un déploiement du Très Haut Débit (la fibre optique jusqu’à l’abonné) que pour la montrée en débit des zones aujourd’hui mal desservies par l’ADSL mais pas assez denses pour justifier l’investissement colossal de la fibre optique, estimé à au moins 1500€ par abonné en zone dense.

La ville de Mennecy n’est pas restée inactive non plus, en s’informant, tant sur l’architecture du réseau télécom de son territoire que sur les dispositions réglementaires de l’accès à la boucle locale.

Pour autant, la position de l’ARCEP, publiée le 25 février 2010, recommande aux collectivités territoriales d’attendre encore un peu avant de lancer toute action, pour que les nouvelles règles que l’ARCEP va instituer soient définies et rendues applicables. Cet avis est sur le site de l’Arcep, dans les communiqués de presse. Vous pouvez aussi le télécharger ici.

L’ARCEP a fait une consultation publique avant de rendre cet avis. Et, à côté de l’avis, il y a les contributions de plusieurs parties prenantes et, parmi celles-ci, celle du Conseil Général de l’Essonne. Cette oeuvre a été signée par Mr Richomme, agrégé en physique après avoir été astrophysicien, et ce jour-là devenu soudainement économiste.
Cette contribution peut être résumée en 3 phrases:
Le conseil général de l’Essonne estime ne pas devoir investir à la place des opérateurs. (page 6).
Le conseil général estime qu’il serait vertueux de définir un tarif de location inversement proportionnel au débit de la ligne. Cette tarification devrait inciter les opérateurs à investir en fibre optique dans les zones denses (tarifs élevés). Cette tarification inciterait les opérateurs à investir en montée en débit si la marge (prix de détail-prix de location) est insuffisante. (page 21)

Selon Mr Richomme, le Conseil Général, et même toutes les collectivités territoriales ne doivent pas investir dans la boucle locale, et il faut imposer un tarif variable sur l’accès à la boucle locale.

Selon moi, les opérateurs, tous privés, restent maîtres de leurs investissement, c’est de l’argent privé, nous sommes pas encore dans une économie administrée, et rien ne prouve que les opérateurs vont mettre de l’argent dans des lignes longues desservant peu de clients pour peu de revenus futurs. Je pense même que ce serait le contraire. C’est pourquoi je souhaite ardemment que l’avis de Mr Richomme ne soit pas suivi par l’ARCEP et je reste très vigileant sur les décisions prochaines de l’ARCEP pour savoir monter, enfin, un projet qui répondra aux attentes des habitants des Levitt, avec, si les nouvelles règles à venir le permettent et si cela est efficace, un engagement de la ville sous une forme encore inconnue mais qui pourrait être déterminant.

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